D’abord, la pulsion.
ça me prend comme ça sans prévenir. ça pousse dedans. Je sors le matériel avec une certaine précipitation, une urgence, de la frénésie même. Mais je prends le temps quand même d’allumer une ou deux bougies, me servir un thé ou un verre de vin et lancer la playlist qui résonne avec mon état. Et puis je lâche. Je ne sais pas quelle forme va prendre ce qui m’habite. Et si c’est moche, peu importe, faut que ça sorte, que je donne corps à ce qui m'anime. Parce que... Ça pousse dedans. Je me laisser appeler par une couleur, comme happer. Je me lance sur la toile comme on saute dans un train déjà en marche. Je sens l’émotion monter. Ça serre dans ma gorge. Ça pousse dedans. Les basses de la musique me font vibrer et m’emportent. Chaleur dans mon plexus. Et je laisse jaillir ma colère en flaques de peinture noire jetée à pleines mains. Je la crache à l’état brut. Les larmes ne sont pas loin. Ça pousse dedans. Une rage déchire presque la toile sous les coups de couteaux. Je me laisse surprendre par ce qui émerge. Se déverse ma peine d’un rouge saignant qui dégouline lentement en même temps que les larmes sur mes joues. Ça se pose dedans. Je regarde ce qui est sorti de moi. Qu’est-ce que ça m’évoque, qu’est-ce que ça éveille en moi ? Je ressens. J’écoute dedans le prochain élan. J’attends la prochaine vague qui va sans doute recouvrir en partie l’écume de la précédente. Juste laisser une trace de mon intérieur, pour m’en libérer ou lui donner de la valeur. Lui dire : je t’entends, je te vois, je t’écoute, je suis là pour toi, qu’as-tu d’autre à me dire ? Va-z-y pousse jusqu’au bout l’élan! Ça lâche encore un peu plus … enlacée par les notes enivrantes de ces morceaux qui me font planer. et le rythme s’adoucit, les couleurs s’éclairent. Des larmes d’accueil de moi dans ce qui est là, de mon humanité blessée, vivante, vibrante. ça s'épouse dedans. Les gestes deviennent plus précis. Mon regard s’affine à la recherche du sens, du beau à préserver, de l’équilibre à donner, du trait à affiner, guidé par le plaisir des yeux. J’observe, j’écoute ma création dans sa globalité avec ses zones de beauté et j’accueille celles que je juge un peu ratées. c’est ok. Et des mots s’imposent du dedans, et se posent lentement dans un coin du tableau. Je sors remplie, allégée et détendue de ce moment. Je contemple mon salon envahi de ce joyeux bazar avec un sourire lumineux, comme on regarde au matin d’une belle nuit d’amour, le lit défait et les vêtements éparpillés. Un désordre sauvage emprunt de liberté. Les jours suivants, la toile continue à me révéler ses secrets et imprègne et imprime ma conscience de cette expérience. Résonne encore de ce rdv d’amour que je me suis offerte. Et Ça pousse dedans, jour après jour, cette graine plantée au parfum de promesse. Un sentiment grandissant de présence à moi. Ça pousse dedans.
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D'abord besoin de lâcher les tensions. Alors j’envoie du son. Et je seccoue mon corps comme une bouteille de coca pour faire partir les bulles d’agitation. Quand la pression est redescendue, que ça se pose et se détend, je m’avance vers la toile toute prête. Ça commence par les couleurs. Certaines me font de l œil. Ma main saisit la bouteille de peinture sans hésitation et presse une giclée. Aujourd'hui elles sont vives et lumineuses: éclaboussures de bleu rose violet blanc. Ça me donne le sourire! Ça sent bon la gaité! Puis vient le choix de l outil. La douceur du pinceau large à poils longs m’appelle pour caresser la toile. Un couteau ample mais pas pour trancher aujourdh’ui, pour lisser délicatement et tracer de grands disques: du rond… Hmmm… Bulles contenantes tout en légèreté. J'aime m’embarquer dans le voyage sans savoir ce qui va émerger. Et si une idée est déjà là elle peut se poser mais ce n'est probablement qu’une étape vers autre chose. Un point de départ qui laisse place à la surprise, au spontané. Les couleurs se rencontrent, s’entrelacent, se marient. Et des spirales s’invitent. Fascination pour les spirales qui partent de mon centre et m’ouvrent vers l’extérieur... Je suis tellement l’élan de l instant que je ne sais plus si c est mon cerveau qui guide mes mains ou si mes mains ont un temps d avance sur mon esprit qui découvre avec curiosité là où elles m’emmènent. Je ne réfléchis pas trop, je laisse juste venir. Et au fil de ce qui naît sur la toile, j’ai comme l’impression d’entendre mon tableau me parler dans un souffle… “Je t’aime. J’honore qui tu es. Précieuse et vulnérable dans ton humanité. Ça fait alliance en toi, avec toi, dans ton intériorité.” Gratitude. |